Conserver l’esprit du débutant n’est pas inné: cet état d’esprit demandera à être alimenté quotidiennement par vos efforts et vos actions. Vous aurez à faire preuve de volonté et de persévérance afin d’entretenir, session après session, une ouverture d’esprit vous permettant d’approfondir votre compréhension du shiatsu. Heureusement, il y a des repères qui peuvent faciliter la préservation de l’esprit du débutant. Je vous invite à explorer avec moi quelques pistes de réflexion qui, au fil des ans, ont su nourrir ma propre réflexion à ce sujet.
- Soyez le plus présent possible
Une des caractéristiques positives de l’esprit du débutant, c’est sa capacité à être totalement absorbée par ce qui se passe dans l’instant présent. Conséquemment, cultiver cet état de présence lors de l’application de vos shiatsu est une excellente voie pour entretenir l’attitude du débutant. Cette culture de la présence demande certes un retour constant à ce que vous faites et percevez dans l’ici et maintenant, mais cet effort est grandement récompensé par la qualité de votre connexion à vos receveurs ainsi que par votre aptitude à mieux percevoir la condition énergétique de ceux-ci.
Je vous invite à faire fréquemment des « arrêts actifs » vous permettant de revenir à ce qui se présente à vous avec plus de précision et de clarté. Ces arrêts actifs permettront à l’observateur en vous de saisir de façon plus globale la condition énergétique de vos clients. Une bonne façon d’intégrer ces moments de pause lors de vos traitements est de revenir fréquemment à votre posture et votre respiration. L’utilisation fréquente de ces moments de pleine conscience pourront faire une nette différence sur la qualité de vos interventions.
2. Soyez curieux et observateur
Se satisfaire d’une pratique répétitive et ennuyeuse est souvent signe d’une stagnation ou d’un manque d’investissement dans votre pratique.
Il est primordial de rester curieux, de s’interroger sur votre façon de faire et de chercher à vous améliorer constamment.
Il est essentiel de réaliser qu’au début de l’apprentissage du shiatsu tout est nouveau et attrayant; par la suite, cet engouement momentané laisse place à une exploration plus calme, mais tout aussi riche en enseignement, où il est capital d’entretenir une saine curiosité permanente. C’est entre autres le maintien de cette saine curiosité qui, au fil du temps, deviendra votre principal carburant afin de conserver votre esprit du débutant.
Prenons un exemple propre à la pratique de notre art : lors de l’application du shiatsu, nous utilisons tout naturellement nos cinq sens (5 Shin) pour évaluer la condition énergétique de nos clients. Restez curieux et accessible concernant l’exactitude de ce que vous observez vous permettra, par exemple, de percevoir par le toucher (Setsu Shin), qu’une région qui semblait à l’observation visuelle (Bo Shin) être Kyo et hypotonique est en réalité Jitsu et tendue en profondeur. Rester curieux et observateur en utilisant tous vos sens est souvent payant !
Il est également avantageux, afin de garder l’esprit du débutant, de nourrir votre curiosité en trouvant de nouvelles façons de faire vos interventions auprès de vos clients. Intéressez-vous à différents protocoles d’intervention, étudiez la fonction élargie de tel ou tel point d’acupuncture, etc. L’idée n’est pas d’apprendre de nouvelles choses par cœur, mais bien de saisir l’idée, le principe, derrière ces « apprentis-sages ». Rester curieux, c’est également remettre en question ce que vous avez appris antérieurement pour, par la suite, faire vos propres expériences. Être curieux teintera vos interventions en les rendant plus vivantes et intéressantes.
Je vous invite à approcher chaque situation thérapeutique en utilisant différents modes de lecture; les cinq éléments, Kyo/Jitsu, les couches de méridiens, les Merveilleux Vaisseaux, etc. Je crois que nourrir sa curiosité jusqu’à ce que celle-ci devienne une habitude stimulante est l’une des clés importantes pour conserver l’esprit de Shoshin. Étudier, se questionner, observer et s’ouvrir à l’inconnu est vivifiant et nourrissant pour l’esprit du débutant en vous.
3.Acceptez de sortir de votre zone de confort ou soyez à l’aise avec le malaise
Sortir de sa zone de confort est essentiel afin d’entretenir une ouverture à la découverte.
Il est normal de se sentir inconfortable lorsque nous sortons de nos habitudes, mais il est primordial de ne pas abandonner précipitamment l’exploration de ces nouveaux «territoires». Lorsque vous faites quelque chose de nouveau, l’inconfort est normal, mais il est primordial de persévérer jusqu’à ce que ce malaise se transforme en agrément et en satisfaction d’avoir élargi votre champ d’action.
Chaque shiatsu est l’occasion d’un laboratoire permanent vous permettant d’explorer, d’apprendre, ainsi que de remettre en question ce que vous croyez être vrai. L’important, c’est d’être à l’écoute de ce qui se passe en vous et chez votre client. Il y a toujours quelque chose à apprendre !
Afin de sortir de votre zone de confort, je vous invite à faire, durant vos sessions, quelque chose de nouveau ou, au contraire, refaire quelque chose de connu avec une intention et une présence renouvelée. Briser la routine et chercher de nouvelles voies à l’expression de qui vous êtes à travers les shiatsu que vous offrez. De cette façon, chaque rencontre en shiatsu deviendra un exercice afin de vous découvrir vous-même et explorer les potentiels latents en vous.
À propos, sortir de votre zone de confort ne demande pas de faire quoi que ce soit de grandiose: c’est souvent dans l’application des petits gestes répétitifs conscientisés que l’exploration véritable se produit. Il y a un aspect paradoxal à l’exploration des limites imposées par la zone de confort. En effet, c’est par besoin de sécurité et de contrôle que l’on construit petit à petit sa zone de confort et c’est également par un effort graduel et continu qu’on en sort grandi, accompagné par contre cette fois-ci par un sentiment propulsant d’être de nouveau en contrôle, mais de façon plus mature et détachée.
Comme je l’ai déjà mentionné, l’exploration de nouvelles possibilités vous demandera sûrement d’être prêt à sortir de vos habitudes connues. Il est possible que vous soyez invité à vous remettre en question, que vous deviez réexaminer vos croyances et vos habitudes, ceci afin de vous adapter à ce qui se présentera d’inattendu hors de votre zone de confort. Mais n’est-ce pas une façon géniale de nourrir un regard neuf sur votre pratique et la façon donc vous faites habituellement les choses?
4. Accepter de ne pas savoir
Être curieux et sortir de votre zone de confort vous placera possiblement dans la position de ne pas toujours savoir et de ne pas avoir d’emblée toutes les réponses. Lorsque vous acceptez pleinement cette situation, parfois inconfortable, vous cessez de lutter pour trouver les explications uniquement à l’aide de votre mental. C’est alors que, bien souvent, une intelligence plus vaste que vous pourra agir par votre intermédiaire*. Ce lâcher-prise permettra à votre créativité de s’exprimer librement et c’est habituellement à ce moment que vous trouverez la bonne technique ou le geste juste pour accompagner votre client.
Accepter de ne pas savoir, c’est parfois questionner ce que vous pensez déjà connaître. En tant que «thérapeute expérimenté», nous puisons souvent dans ce qui est connu pour nous, nous utilisons notre «bagage d’expérience» afin de nous sécuriser et nous donner des points de repères accommodants. Même si ce bagage est souvent fort utile, il peut parfois nous maintenir dans notre zone de confort et nous empêcher de regarder les choses avec l’esprit du Shoshin.
Conséquemment, lorsque nous abordons ces situations de questionnement avec l’esprit du débutant, nous ne sommes pas si rapides à utiliser ce qui est familier et sécurisant. Nous cherchons nos réponses « en dehors de la boîte ». L’état d’esprit de Shoshin nous rappelle que l’être humain est complexe et que toutes les théories quelles qu’elles soient, de l’Est ou de l’Ouest, ne sont que des théories. L’humain est beaucoup plus complexe que ces conceptions théoriques et il est important d’accepter que nous ne comprendrons jamais toutes les ramifications de celui-ci. Accepter de ne pas savoir nous ouvre à d’autres points de vue et d’autres possibilités, nous permettant d’être plus créatifs, de sortir de nos ornières et de grandir en tant que thérapeute.
5. Écouter votre intuition
Une des barrières les plus fréquentes à l’écoute de l’intuition est le manque de confiance en soi. Trop souvent dans notre culture, l’utilisation de la logique est la seule composante qui est honorée. Bien sûr, la logique et le raisonnement sont primordiaux afin de nous permettre de prendre des décisions éclairées, mais l’intuition vient souvent donner un éclairage complémentaire à notre perception cartésienne des choses. L’intuition est une banque de données inconsciente, et cultiver la présence au moment présent permet parfois une connexion spontanée avec cette ressource.
L’écoute de vos émotions et sensations est également un chemin royal vers l’intégration de plus d’intuition dans votre pratique. (Nous reviendrons sur cet aspect dans un blogue ultérieur.) Développer une attitude emphatique pour votre receveur permettra également de donner moins de pouvoir à vos craintes et vous permettra une ouverture plus grande afin d’accueillir les perceptions et les intuitions éveillées par votre contact avec vos receveurs.
Écouter son intuition est une chose, se laisser guider par elle en est une autre (voir zone de confort). Il est souvent recommandé d’apprendre à repérer ses moments d’intuition dans le quotidien, pour ensuite graduellement apprendre à utiliser celle-ci dans le cadre de votre pratique professionnelle. Écouter votre intuition vous permettra graduellement d’oser l’exploration de nouvelle façon de faire, ce qui vous sortira graduellement de vos modes d’intervention habituelles.Un autre avantage non négligeable d’être à l’écoute de votre intuition est de conserver un accès permanent à votre monde intérieur et à votre créativité, qualités essentielles pour faire en sorte que votre shiatsu demeure un art et non pas simplement une technique.
Conseil du vieux routier:
N’hésitez pas à prendre en note, à la fin de vos rencontres, les intuitions éveillées en cours de traitement. Ces intuitions vous sont personnelles et n’ont pas à être nécessairement partagées avec vos receveurs. Par contre, le fait de noter ces intuitions vous permettra possiblement de faire éventuellement des liens entre celles-ci et l’évolution de vos traitements.
6. Voyez l’insuccès comme un enseignement
Plusieurs d’entre nous avons tellement peur de l’échec que nous préférons rester dans ce que nous connaissons et ce que nous maîtrisons (zone de confort) plutôt que de risquer de nouvelles façons de faire ou d’être. Il est vrai que le fait que nos clients nous payent pour un service augmente le sentiment que nous devons être performants et répondre en grande partie aux demandes de ceux-ci. Il est important de toujours être à la hauteur de la confiance que nos clients placent en nous, et il est évident que vous devez faire tout ce qui est en votre pouvoir pour soutenir et aider vos clients. Même avec les meilleures intentions au monde, vous aurez un nombre important « d’échecs ». Il est inévitable que vous ayez, à un moment ou un autre, à surmonter des moments de questionnement et d’appréhension concernant l’efficacité de vos traitements et de vos interventions. Je vous invite à considérer «l’échec» comme une source d’apprentissage, plutôt que de tomber dans une autocritique inutile. Qu’avez-vous appris de cette rencontre thérapeutique? Comment pouvez-vous utiliser cette expérience à votre avantage, afin d’augmenter vos chances de succès la prochaine fois? Et comme le disait Woody Allen: «Si vous n’échouez pas de temps en temps, c’est signe que vous ne faites rien d’innovant.»
Qu’en pensez-vous?
7. Cultiver la notion de plaisir
Apprécier l’idée de sortir de votre zone de confort afin de cultiver l’esprit du Shoshin.
Prenez plaisir à découvrir de nouvelles façons d’utiliser telle ou telle technique ou mouvement. Prenez également plaisir à découvrir sur vous-même par l’entremise de vos interventions et actions. Fixez-vous des objectifs réalistes en respectant vos connaissances et votre expérience et développez ainsi graduellement une plus grande appréciation de vos compétences et habiletés.
Vous serez surpris de réaliser comment cette habitude toute simple pourra être source de satisfaction et de découverte. Avoir l’impression de progresser par nos efforts sur la voie (Do) est une source de plaisir et de motivation formidable.
Accordez autant d’importance à vos apprentissages quotidiens lors vos séances de shiatsu qu’aux résultats thérapeutiques de celles-ci. Je vous invite à considérer votre application du shiatsu avec sérieux, mais de ne pas vous prendre vous même trop au sérieux! Rappelez-vous que c’est la nature qui guérit, pas vous! Cultiver ainsi l’aspect plaisant de vos rencontres thérapeutiques en Shiatsu vous permettra de garder votre pratique vivante et dynamique. Pour vous, quels sont les aspects mentionnés ci-haut, qui méritent le plus votre attention immédiate, afin de soutenir l’esprit de Shoshin dans votre pratique?
L’idée n’est pas de tout faire en même temps, mais bien d’intégrer l’un à la fois l’un de ces principes dans vos interventions. N’hésiter pas à me partager vos découvertes et prises de conscience par l’entremise de l’espace commentaire ici-bas.
*Je ne parle pas ici d’une intervention extérieure ou d’une manifestation d’ordre spirituel, mais bien de l’intervention éclairée de votre inconscient qui lui possède la somme totale de vos expériences et apprentissages. Voir le point 5 à propos de l’intuition.
Merci pour tous ces beaux conseils, c’est un réel plaisir de vous lire… Actuellement en formation de shiatsu, je prends énormément de plaisir à apprendre… Quelle richesse cette discipline, c’est magnifique ! Merci pour ces supers vidéos que vous partagez. J’espère un jour pouvoir assister à un de vos stages. Au plaisir…Aurore.