Mon objectif, en tant que thérapeute en shiatsu, consiste à aider l’organisme à retrouver son équilibre et son fonctionnement optimal. Pour ce faire, j’ai recours à différents outils de lecture de la condition et des besoins énergétiques de mes clients. Il est important de rappeler que nous ne traitons pas la maladie en tant que telle, mais que nous soutenons l’énergie de guérison de nos clients. En d’autres mots, nous tenons compte de la personne dans sa globalité et nous cherchons à découvrir les causes et les origines des déséquilibres qui l’indisposent plutôt qu’à soigner une maladie en particulier.
Le principal outil d’évaluation énergétique utilisé en shiatsu est la lecture Kyo/Jitsu. Cette lecture est un outil de mesure simple et efficace, qui permet d’avoir accès assez rapidement à la condition énergétique globale des clients. Il est à noter que ce mode d’évaluation s’intéresse strictement à la condition énergétique des clients, alors que les outils de la médecine traditionnelle chinoise (MTC) prennent en considération d’autres aspects de l’individu, tel le Sang, le Yin, le Yang, le Jing et le Shen. L’intégration de ces aspects permet, selon moi, une évaluation plus exhaustive des causes et des influences participant à la genèse des maux qui affectent nos clients. Je tiens à préciser que les deux méthodes se valent. À mon avis, ce sont deux méthodes complémentaires. En fait, les utiliser en parallèle permet d’enrichir notre évaluation énergétique et notre intervention.
L’ABC de la MTC!
La MTC s’appuie sur la théorie du Yin et du Yang. Pour la MTC, la santé est le maintien dynamique et continu de l’équilibre entre ces deux forces opposées, mais complémentaires. La MTC explique les causes des débalancements énergétiques par l’association de symptômes et de signes cliniques fondés sur les huit principes de diagnostic (Ba Gang), c’est à dire des couples Yin-Yang, Froid-Chaleur, Vide-Plein et Superficiel-Profond. L’utilisation de ces huit principes nous permet de classifier les symptômes et les signes cliniques de nos clients et de déterminer le modèle de déséquilibre correspondant.
Pour y parvenir, j’ai recours à quatre méthodes d’évaluation : l’observation, « l’interrogatoire » (bilan de santé), l’écoute et le toucher. L’objectif commun de ces méthodes est de mettre en lumière le modèle de déséquilibre le plus manifeste.
Le Bo shin
L’observation (Bo shin) est un outil à la fois simple et riche. Quand un client entre dans mon bureau, je prends toujours le temps de me poser les questions suivantes :
- Quelle est ma première impression lors de la prise de contact initiale?
- La personne semble-t-elle chaleureuse, distante, souffrante?
- Quelle est sa posture, sa démarche, sa façon d’habiter son corps?
- Comment est son teint et le Shen de son visage?
- Quelle est son attitude générale?
- Etc.
Mes observations me mettent souvent sur la piste de la condition énergétique sous-jacente de mon client. Une attitude distante, par exemple, peut être le signe d’une saine manifestation de l’énergie Eau du client ou d’une déficience globale de son énergie Yang, ce qui le rend timide et refermé sur lui-même.
Le Mon shin
Après la prise de contact initiale, je poursuis généralement par un bilan de santé complet (état actuel du client et anamnèse), principalement à l’aide de questions ouvertes. Cet interrogatoire (Mon shin) m’aide à déterminer quels seront les besoins spécifiques de mon client, besoins qui devront être considérés par la suite de façon prioritaire pendant la séance.
Pendant cette étape, j’essaie de dresser un portrait complet de mon client, de le comprendre. Mon but n’est pas de trouver une maladie, mais de découvrir la dynamique propre à mon client :
- habitudes de vie;
- alimentation;
- historique et symptômes de la maladie;
- antécédents médicaux;
- digestion, appétit, élimination;
- degré de fatigue et qualité du sommeil;
- douleurs et contre-indications;
- médicaments et leurs effets secondaires;
- apparition et évolution des symptômes;
- etc.
S’il s’agit de maux chroniques, je cherche à déterminer ce qui incommode le plus mon client. La chronicité d’une pathologie donne parfois des indices importants sur l’élément ou les méridiens les plus problématiques. Les problèmes chroniques peuvent également être le reflet des éléments qui composent le thème énergétique du client. Un problème de sinusite chronique, par exemple, peut être le reflet de la présence du Métal comme élément de base chez mon client. Je tiens aussi toujours compte du moment de la consultation (saison, heure de la journée, âge de la personne, etc.).
Le Bun shin
Le Bun shin est l’écoute du timbre de la voix, du rythme des paroles, de la respiration, des soupirs, etc. Sans trop entrer dans les détails, je cherche à percevoir ce qui caractérise mon client, par exemple :
- A-t-il une voix criarde?
- Soupire-t-il souvent?
- Parle-t-il rapidement?
- A-t-il des fous rires inhabituels?
- Etc.
Le Setsu shin
Le Setsu shin comprend la palpation du Hara, du dos, de certains tsubos et même de zones réflexes des pieds et des mains. La palpation permet de découvrir de précieux indices qui orienteront mon intervention :
- sensation de douleur (points Ah Shi, par exemple);
- distension;
- zones fraîches ou froides;
- tensions ou manque de fermeté;
- diminution marquée des symptômes;
- etc.
Interprétation et intervention
Après avoir accumulé un maximum d’information, je fais une synthèse afin de déterminer le modèle de déséquilibre qui s’applique à mon client. Voici les quatre étapes à suivre pour y parvenir :
- Différencier les symptômes en fonction des signes et des données recueillies.
- Déterminer si le problème touche uniquement le méridien ou s’il touche à la fois l’organe et le méridien.
- Préciser le modèle de déséquilibre, le cas échéant (Vide de Yin du Foie, par exemple).
- Déterminer les tsubos et les méridiens bénéfiques pour cette condition ou ce modèle de déséquilibre.
Il est important de considérer que même si l’on observe un modèle de déséquilibre chez un client, la façon dont celui-ci l’exprimera est de loin l’aspect le plus important à considérer pour offrir des soins personnalisés. Un Vide de Yang du Rein, par exemple, peut se manifester par une importante douleur lombaire et un début de sciatalgie, chez l’un, et par une sensation d’épuisement et d’asthénie, chez l’autre. Bref, au-delà du modèle de déséquilibre lui-même, c’est l’expression personnelle de ce modèle qui importe de prendre en compte.
Même si la mémorisation et la compréhension des bases de la MTC peuvent être exigeantes au début, son utilisation en vaut totalement la peine. Une fois mémorisés et assimilés, ces modèles seront des alliés précieux qui vous aideront à mieux saisir l’état global et les besoins particuliers de vos clients.
À la lumière de ces informations, avez-vous des clients qui auraient pu bénéficier de ce type de protocole afin de distinguer plus clairement les modèles de déséquilibre dont ils souffraient? Si c’est le cas, n’hésitez pas à partager vos découvertes avec nous!
Conseil d’un vieux routier!
J’essaie toujours de mener mes « interrogatoires » comme si je prenais le thé avec un vieil ami. Pas de pression, des questions ouvertes, une grande écoute et, surtout, pas de jugement. L’idée est de mettre la personne à l’aise et de lui donner l’occasion de s’exprimer librement.
Une fois encore merci infiniment, Stéphane pour cet article. Ce partage est précieux pour bon nombre de praticiens dont je fais partie. Je fonctionne également avec ces quatre méthodes de diagnostic (dont je ne connaissais pas les noms, je dois bien l’avouer :-p). Dans la phase du Setsu shin je ne vérifie pas autant de choses, probablement par manque de connaissances. J’établis un plan de travail avec les éléments recueillis lors des trois premières méthodes de diagnostic, que je valide ou non après une phase d’écoute avec les mains. Cette dernière se passe lors de la prise de contact, elle a une double fonction. Elle se veut rassurante, apaisante, elle invite à la détente. Le receveur peut ainsi se détendre et se sentir en confiance. Du côté de shiatsushi, c’est l’occasion d’écouter le corps dans sa globalité, de « goûter » l’état du patient. Même si la méthode semble porter ses fruits, je m’interroge de plus en plus vis-à-vis de la MTC. Selon vous est-il intéressant de se former à la MTC en un cursus complet? ou peut-être avez-vous des pistes de lectures/formations pour approfondir le sujet en complément de notre pratique? Si oui je suis preneur (et je pense que je ne serai pas le seul).
Les choses que vous évoquez dans votre article seront-elles abordées pendant le stage à Namur?
Le conseil du vieux routier m’a fait sourire, l’image du thé avec le vieil ami est chaleureuse et bienveillante, des qualités qui sont, à mon sens, la marque des bons praticiens. J’espère en tout cas que vous continuerez à partager votre savoir et votre expérience avec nous longtemps encore.
Merci de votre appréciation et de vos commentaires Johann. L’objectif de ces articles est de permettre un échange positif et également susciter un questionnement afin de nourrir une saine réflexion sur notre art qui est en constante évolution. Des commentaires comme le vôtre me font chaud au coeur et m’encouragent à poursuivre dans ce sens. Pour répondre à votre question, je ne sais pas si une étude de base de la MTC est nécessaire dans le cadre de tous les cursus de formation, mais je crois qu’un survol, même superficiel, de ces connaissances serait un avantage certain pour tout thérapeute en Shiatsu. Cet apprentissage permettrait des échanges plus productifs entre ceux pratiquant le Shiatsu et d’autres professionnels utilisant la MTC, de cette façon tout le monde serait gagnant.
J’ai fréquemment observé une sérieuse difficulté à échanger et à communiquer entre les praticiens en shiatsu et par exemple, les acupuncteurs, ceci par manque d’un vocabulaire commun pouvant permettre des échanges plus larges et plus complets. Je sais d’expérience que la vision et la philosophie du Shiatsu est pour certains acupuncteur, un véritable vent de fraicheur, tout à fait complémentaire à leur pratique de la MTC. Un plus grand échange entre les deux pratiques ne peut à mon avis, qu’être bénéfique pour chacun. En ce qui concerne votre besoin d’en savoir plus à propos de la MTC, j’ai deux suggestions de lecture à vous proposer. Ce sont les livres que nous utilisons en 2e année Masunaga et ils sont grandement appréciés. Ces deux livres se complémentent merveilleusement l’un l’autre et sont des incontournables à posséder.
1. Zang Fu de Jeremy Ross
2. Shiatsu Théorie et Pratique de Carola Beresford-Cooke
Bonsoir Stéphane, j’ai le 2 ème livre depuis peu; il est très intéressant et aide beaucoup dans la pratique du shiatsu Masunaga. Il me reste à acquérir celui de Jeremy Ross… Je tiens compte de tes précieux conseils. Merci encore pour tes généreux partages.
Je travaille déjà avec le livre de Carola Beresford Cooke, livre que j’aime beaucoup d’ailleurs. Par contre, je ne connaissais pas celui de Jeremy Ross. Je viens tout juste de le commander :-). Merci encore.
Magnifique! Merci Stéphane de cet enseignement!
Avec plaisir Marie-Michèle et merci pour ton soutien constant, ça signifie beaucoup pour moi!
Très belle synthèse où la théorie et la pratique sont parfaitement intégrées. On y reconnaît la maîtrise de l’expérience. Merci Stéphane de nous permettre d’en bénéficier, ces informations sont précieuses.
Merci de ton commentaire France et j’espère que ces informations te seront utiles.
Technique simple et éfficace que vous dominez comme peu de gens, Stéphane, pour communiquer clairement et facilement ces connaissances toujours si intéressante pour nous tous!
Merci!
Merci Stephane pour ces informations très intéressantes!
J’aimerais toutefois avoir ton avis sur la différence terminologique entre « diagnostic énergétique »
( que l’on retrouve dans plusieurs livre en MTC ) et le terme « évaluation énergétique », que nous utilisons d’avantage en Shiatsu.
Caroline, ta question est vraiment intéressante. J’y réfléchis depuis quelques jours déjà et elle m’amène sur plusieurs pistes de réflexion, autant théorique que philosophique. Je vais continuer à y penser et te reviendrai ultérieurement avec le fruit de ma réflexion.
Merci encore pour ta question, elle est très stimulante.
Merci Stéphane !