En shiatsu comme en médecine traditionnelle chinoise (MTC), la maladie est le reflet d’un blocage de la libre circulation du Ki dans l’organisme. Au fil du temps, ces deux approches ont trouvé des façons particulières d’identifier ces blocages et d’intervenir afin de corriger les déséquilibres observés.

Chaque année, des étudiants de mes cours de shiatsu avancés me demandent s’il est nécessaire de connaître les bases de la MTC pour pratiquer le shiatsu. Je crois qu’il est tout à fait possible de pratiquer un shiatsu de qualité en utilisant uniquement la méthode de diagnostic Kyo/Jitsu, sans avoir recours aux bases de MTC. Toutefois, je suis convaincu que l’étude de la MTC permet d’approfondir considérablement notre compréhension et notre pratique du shiatsu. Même si les deux approches ont leurs particularités, toutes deux ont, à mon avis, énormément à s’offrir.

Mon intérêt pour la MTC est apparu très tôt dans ma pratique professionnelle du shiatsu. Je commençais à l’époque à bâtir ma clientèle et je souhaitais offrir des traitements efficaces et adaptés aux besoins de mes receveurs. Cette période, bien que stimulante, m’a fait vivre de l’appréhension, car je doutais souvent de l’exactitude de mes lectures du Hara. Ayant étudié Masunaga, je savais qu’il insistait énormément sur la qualité de l’évaluation énergétique et que c’était même, à ses yeux, l’aspect le plus important du processus thérapeutique. J’ai donc cherché à comprendre quels étaient les facteurs pouvant influencer ma lecture des Kyo/Jitsu au Hara.

Après avoir reconsidéré ma façon d’effectuer la lecture du Hara, tant du point de vue théorique que technique, j’ai cherché à mieux comprendre l’importance de facteurs tels que l’alimentation, le stress, la médication et la posture sur la condition perceptible du Hara de mes clients. Même si ces facteurs influençaient certainement le tonus et l’état global du Hara, ils ne permettaient pas toujours d’expliquer les écarts souvent importants entre la raison de la visite de mes clients et le résultat de ma lecture Kyo/Jitsu du Hara.

J’ai compris depuis lors qu’il n’existe pas de lecture « juste » du Hara, mais plutôt une lecture « honnête » fondée sur la sincérité de notre démarche et notre réel désir d’aider nos clients. Une fois en paix avec cette question, j’ai cherché à mieux comprendre la dynamique Kyo/Jitsu et, surtout, ses mécanismes sous-jacents. Mon objectif était simple : intervenir le mieux possible lorsque les résultats de ma lecture du Hara ne correspondaient pas aux motifs de la visite de mes clients.

Étude de cas: Un client se présente avec une douleur lombaire chronique, une grande fatigue et un manque d’enthousiasme marqué. Ses pieds et le bas de son dos sont souvent froids. Il semble à première vue évident que l’énergie des Reins est en cause. Pourtant, les Reins ne se manifestent pas particulièrement à la lecture du Hara. C’est plutôt le Triple Réchauffeur (Kyo), le Poumon (Kyo) et Rate/Pancréas (Jitsu) qui sortent lors de ma lecture du Hara. Je sais pourtant que les Reins sont en cause dans les symptômes de mon client, même si cela n’est pas corroboré par ma lecture du Hara.

Aujourd’hui, je suis convaincu qu’il existe différentes profondeurs de débalancements, et qu’un individu manifestera ces débalancements de façon très personnelle, en fonction de sa constitution et de son état. Et c’est là que l’utilisation commune de la MTC et de la lecture Kyo/Jitsu prend tout son sens. Avec le temps, j’ai compris que les symptômes sont importants, même si le Hara ne les corrobore pas. Les symptômes fournissent de précieuses indications sur l’origine du débalancement à la base des maux des clients. Au fil des siècles, la MTC s’est spécialisée dans la classification et l’interprétation de ces symptômes. C’est pourquoi les modèles de déséquilibres de la MTC peuvent nous être fort utiles pour saisir les caractéristiques sous-jacentes de la condition de nos clients.

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Des eaux profondes aux eaux de surface : une question de point de vue

Pour m’aider à saisir les interrelations entre ces deux systèmes, je me suis construit une image s’inspirant de l’océan. Après tout, ne nageons-nous pas tous dans un océan d’énergie?

Les vagues de surface (Kyo/Jitsu) sont constamment influencées par les vents, la chaleur du soleil et les marées. Elles sont l’expression unique et ponctuelle de ces influences, tout en faisant partie d’un « grand tout » beaucoup plus vaste et complexe. Sous ces vagues de surfaces, il y a les vagues de profondeurs (MTC), issues de mouvements et de courants profonds habituellement inaccessibles, mais tout aussi importants.

À mon avis, l’utilisation simultanée de la MTC et de la lecture Kyo/Jitsu permet d’étudier ces deux niveaux de profondeur chez nos clients. Ils sont en quelque sorte le Yin et le Yang du système énergétique de l’organisme. En plus d’être le reflet du vécu actuel de nos clients, les aspects Kyo/Jitsu sont la manifestation individuelle et ponctuelle des modèles de déséquilibres profonds identifiés par la MTC. La lecture Kyo/Jitsu du Hara est un langage en soi. L’interprétation des messages transmis par le Hara demande du temps et de la persévérance, et je suis convaincu que l’emploi des bases de la MTC peut enrichir notre compréhension et notre utilisation de ce langage.

Dans mon prochain blogue, je vous en dirai plus sur mon modus operandi ou, si vous préférez, comment j’intègre concrètement ces deux approches dans ma pratique. Entre temps, je vous invite à partager avec moi votre vision et votre utilisation de la MTC dans le cadre de votre pratique du shiatsu. Nous avons tous des résultats dont nous sommes particulièrement fiers. Quels sont les vôtres?

Conseil d’un vieux routier!

Je sais d’expérience que la lecture du Hara et l’évaluation Kyo/Jitsu peuvent nous conduire graduellement à distinguer l’énergie plus profonde correspondant au modèle de déséquilibre tel que considéré par la MTC. Il n’y a selon moi aucune contradiction entre les deux approches, elles sont complémentaires et souvent très utiles afin de nous permettre de mieux cibler l’origine de la problématique de notre client.

Pourquoi alors avoir recours aux théories de la MTC dans le cadre de notre pratique du shiatsu? Tout simplement parce que notre société nous impose un certain souci de performance. Je m’explique : une personne atteinte de douleurs lombaires a le choix d’une multitude d’intervenants, qui affirment tous avoir la meilleure approche pour la soulager. Dans ce contexte, je suis fermement convaincu que la combinaison de la lecture du Hara et des modèles de déséquilibre de la MTC peut enrichir notre traitement et nous faire gagner du temps. Comprenez-moi bien, je ne dénigre d’aucune façon le pouvoir curatif de la lecture Kyo/Jitsu. Je dis simplement que la combinaison des deux permet de mettre en lumière des aspects qui ne sortiront pas nécessairement au Hara et, ainsi, d’accroître l’efficacité de notre shiatsu.

Prenons mon étude de cas, par exemple. Le fait de soupçonner le rôle des Reins dans son état de santé (même si le Hara ne l’indique pas au premier chef) m’a amené à compléter mon travail par une intervention sur certains tsubos reconnus pour soutenir l’énergie des Reins. Ce faisant, j’ai diminué le nombre de rencontres nécessaires pour traiter mon client, puisque je me suis occupé à la fois des branches et des racines de son mal. Je sais que ce type de discours peut sembler mercantile, mais je vous invite à réfléchir à ceci : si votre pratique du shiatsu n’est pas appréciée et que vos clients finissent par se tourner vers d’autres professionnels pour obtenir des résultats plus rapides, non seulement vous ne prendrez jamais d’expérience, mais votre pratique en souffrira à long terme. Vivre du shiatsu demande de tenir compte du fait que les gens sont pressés et exigeants. J’ai entendu dire qu’au Japon il est fréquent que les gens reçoivent deux ou trois séances de shiatsu par semaine. Dans ce contexte, on peut envisager de recourir uniquement à la lecture Kyo/Jitsu. Ce n’est malheureusement pas notre réalité! Dans le cadre de rencontres hebdomadaires, l’intégration des modèles de déséquilibre de la MTC est un ajout avantageux qui mérite d’être considéré.