Dès mes premiers cours de shiatsu, mon professeur insistait sur l’importance de partir du hara, de respirer et placer notre attention dans le hara. Le concept de hara avait alors un petit quelque chose d’exotique qui me plaisait bien. Et même si je ne saisissais pas toute son importance, je me doutais bien que son exploration serait essentielle à une pratique efficace et productive du shiatsu.
Ayant pratiqué les arts martiaux, j’avais déjà été en contact avec la notion de hara, mais je ne savais pas comment l’utiliser dans ma pratique du shiatsu. Lorsque je posais des questions à mon professeur sur le sujet, je me faisais répondre qu’avec le temps et une pratique sérieuse, la présence du hara allait se révéler d’elle-même… Je dois admettre que c’est effectivement ce qui s’est produit!
En fait, c’est surtout en comprenant l’importance des principes de base de la pratique du shiatsu que je suis parvenu à saisir celle du hara. Plus je m’appliquais à bien les appliquer, mieux j’utilisais mon hara. Je venais de passer d’un concept exotique à un encrage réel et solide sur lequel s’appuyait toute ma pratique.
Aujourd’hui, le hara est au cœur de ma pratique. Et s’il n’y a pas de raccourcis pour cultiver le hara (seuls le temps et la persévérance permettent cet apprentissage), je me propose de partager avec vous mes réflexions, mes trucs et mes secrets sur la question. Bonne lecture!
Le hara n’est pas japonais, il est universel!
Les Japonais portent depuis très longtemps une attention particulière à l’étude et au développement du hara. Cela dit, le hara est universel et déjà bien présent en nous dès la naissance. Si l’on observe un bambin, on remarque rapidement que c’est l’utilisation de son hara qui lui permet de se mouvoir, de se tenir debout et de marcher, et ce, malgré le poids imposant de sa tête, qui peut représenter jusqu’à 25 % de sa masse corporelle.
Pourquoi, dans ce cas, perdons-nous ce précieux lien avec le hara? C’est notre éducation et, surtout, l’influence négative du stress qui font en sorte que nous délaissons notre hara pour notre tête et le haut de notre corps. Heureusement, la pratique quotidienne du shiatsu est une façon formidable de se réapproprier notre hara et de reprendre contact avec son potentiel.
Le hara est situé grosso modo à la rencontre des trois axes corporels. C’est donc dire l’importance de cette région dans l’équilibre, la stabilité, la mobilité et l’harmonie de la posture. Physiologiquement, le hara correspond au centre de gravité du corps humain. En plus d’être en lien direct avec notre système nerveux entérique (cerveau primitif), le hara joue un rôle essentiel dans la vitalité de notre système immunitaire en abritant des centaines de milliards de bactéries bénéfiques pour notre organisme.
Mais qu’est-ce que le hara?
Le hara est multidimensionnel. C’est le point de convergence des aspects physique, mental et émotif. Le décrire sans le simplifier est presque impossible, c’est pourquoi je me contenterai de discuter des aspects du hara qui concernent directement la pratique du shiatsu.
Le hara est semblable à un super-ordinateur biologique central, primitif, mais drôlement essentiel. Cet « ordinateur » amasse de l’information provenant de l’ensemble du duo corps/esprit pour la redistribuer dans l’ensemble du corps. On peut dire que le hara est notre deuxième cerveau, un cerveau primitif et intuitif en relation directe avec une pensée instinctive et globale qui complète la pensée rationnelle et linéaire de l’encéphale.
Le hara, centre des perceptions kinesthésiques
Je suis fermement convaincu que c’est grâce au hara que nous pouvons percevoir les mouvements subtils du Ki dans les méridiens. Bien sûr, notre « premier » cerveau est fort utile pour mémoriser l’emplacement des points et les trajets des méridiens. Mais je crois que c’est notre deuxième cerveau (hara) qui nous permet de percevoir les micromouvements et les manifestations qualitatives du Ki.
Je crois d’ailleurs que cela explique en partie la formidable capacité qu’ont les animaux de percevoir l’énergie et ses manifestations. Les animaux ressentent l’état et la disposition des êtres qui les entourent. Les gens qui ont un chat ou un chien ont généralement des tas d’histoires à raconter sur ce sujet! Je suis convaincu que nous pouvons y arriver également, si nous sommes attentifs à notre hara. C’est cette disposition toute naturelle qui explique, selon moi, qu’on ressente parfois dans notre corps les symptômes de certains de nos clients.
L’avantage « d’être dans son hara »
Être présent à son hara permet d’agir sans être dicté par l’émotivité (cœur) et de garder notre calme dans les situations difficiles. Dans les arts martiaux, on dit qu’il est bénéfique de garder le hara chaud et la tête froide, c’est aussi vrai pour nous! C’est une attitude à cultiver pour faire face à un client en état de crise ou ayant perdu tous ses repères, par exemple.
Cultiver son hara, c’est favoriser une maturation qui se nourrit de nos expériences et de nos apprentissages, que ce soit au niveau personnel ou professionnel. Le hara est en quelque sorte notre mémoire personnelle et autobiographique. L’apprentissage du hara entraîne une ouverture plus grande au monde intérieur et extérieur sans jamais se perdre de vue.
Être dans son hara donne un sentiment d’unité et d’harmonie, la sensation de faire « un » avec quelque chose qui nous dépasse. De plus, cultiver la présence au hara permet de se mouvoir avec plus de fluidité, d’aisance et d’aplomb.
De l’importance du hara pour les thérapeutes en shiatsu
Travailler à partir de son hara est essentiel pour nous, thérapeutes en shiatsu. Je n’insisterai jamais assez sur cette importance. En fait, le hara est au shiatsu ce que le cœur et l’âme sont à l’Homme. Rien de moins! Sans âme et sans cœur, nous ne serions que des machines. Des machines efficaces, soit, mais des machines quand même.
Aspect physique
Une meilleure posture : La présence au hara permet d’entretenir une bonne posture (voir L’importance de la posture dans la pratique du shiatsu-do). Tout comme une plante a besoin de bonnes racines pour prendre sa verticalité, nous avons besoin d’un bon hara pour que notre axe central soit à la fois stable et mobile.
Aspect mental
Une présence accrue : Les donneurs débutants ont souvent tendance à être plus attentifs à leurs clients qu’à eux-mêmes. Un bon hara nous aide à être à la fois présents à nous-mêmes et à notre client. La présence au hara soutient automatiquement la posture juste, la respiration adéquate et l’utilisation du corps en harmonie avec les besoins du shiatsu.
Aspect émotif
Un état plus paisible : Respirer par le hara permet de cultiver le calme et la réceptivité, ce qui se traduira ensuite par une capacité accrue de percevoir l’état énergétique de notre client.
L’harmonie : La présence au hara permet également une plus grande cohérence entre le corps et l’esprit du praticien, ce qui contribue à tisser le lien de confiance entre le receveur et le thérapeute.
Hara, hara, où es-tu?
Mes étudiants me demandent souvent comment ils peuvent être sûrs qu’ils « sont » dans leur hara. C’est une excellente question! Comme le hara est une force subtile, il est souvent plus facile d’observer « l’absence » relative du hara dans notre pratique que sa présence. Voici quelques exemples que vous n’êtes pas dans votre hara :
- tensions aux épaules et à la nuque;
- respiration courte et superficielle;
- anxiété;
- tensions lombaires;
- extrémités froides;
- fatigue;
- manque de coordination;
- difficulté de concentration;
- grande sensibilité à l’opinion des autres;
- domination des fonctions cérébrales sur l’intuition et l’instinct.
Conseil d’un vieux routier!
L’utilisation du hara pendant vos séances de shiatsu aura des répercussions positives dans le reste de votre vie. Mais l’inverse est aussi vrai! Je vous invite donc à effectuer vos tâches quotidiennes avec votre hara. Absolument tout peut devenir l’occasion d’être et de bouger à partir de son hara : passer l’aspirateur, nettoyer les vitres, épousseter, plier vos vêtements, faire le lit, etc. Profitez-en, c’est justement le temps du ménage du printemps!
Lecture toujours aussi inspirante senseï! Un beau défi qu’est de se souvenir d’être dans notre hara le plus souvent possible, mais cela en fait une belle pratique de tous les instants!
Mais quel beau défi! Le travail d’une vie mon ami. Merci de ton enthousiasme pour l’étude du shiatsu et bonne intégration de ton hara. 😉
En fait être dans son hara signifie être en conscience?
Oui! être dans son Hara, c’est être présent à sa respiration, sa posture, comment on se déplace dans l’espace. Tous ces aspects reviennent donc à la notion de présence et de conscience.
Merci ????????
Intéressant mais j aurai aime connaître quels ressentis on a quand on est dans le hara.
Bonjour Estelle, merci pour votre question. Est-ce que vous pratiquez le Shiatsu depuis un bon moment?
Merci pour ces éclaircissement, je suis en pleine quête du hara. Je viens de lire le livre Hara https://pictures.abebooks.com/isbn/9782702900598-fr.jpg
C’est vraiment le grand remède pour sa santé physique, psychique et spirituelle. C’est cultiver la vie qui est en nous, sortir de notre mental pour aller dans notre centre, notre essence.
Bonne route à tous 🙂
Merci pour ce beau partage, très riche et instructif et qui résonne de manière si juste. Namasté
Merci pour ces conseils précieux. Je suis en première année et suis trop souvent entrain d’essayer d’évacuer des pensées pendant mes shiatsu…
Effectivement trop « dans la tête », ce qui ne me permet pas de bien ressentir, il y a du travail, mais quel bonheur d’apprendre!