Actuellement, à travers plusieurs écoles de Shiatsu autant en Europe qu’en Amérique s’amorce une période importante de début de formation. Durant plusieurs années, j’ai eu la chance de diriger de nombreux ateliers d’initiation lors de cette période charnière et de recevoir par la suite en classe, les étudiants qui s’engageaient valeureusement pour l’année sur la voie du Shiatsu-Do.

Chaque fois, j’appréciais l’enthousiasme et l’énergie féconde avec laquelle ces étudiants abordaient l’étude du Shiatsu. J’aimais être étonné par l’orientation de leurs questions et apprécier la diversité de leurs opinions et points de vue. J’appréciais également observer comment tous à chacun interprétaient à sa façon l’application de telle ou telle technique contenue dans l’un des kata travaillés. Ces moments d’échanges étaient souvent très riches d’enseignement pour moi.

débutantL’observation de cette attitude d’ouverture et de « curiosité gourmande » de la part de ces débutants m’a souvent incité à me questionner sur comment conserver cette attitude « du regard neuf sur les choses », que les maîtres japonais nomment Shoshin ou « l’esprit du débutant ».

D’ailleurs, j’amorçais souvent la première journée de formation en prenant quelques minutes pour partager avec eux le fait remarquable que ce qu’ils n’avaient pas encore acquis en expérience concrète concernant la pratique du Shiatsu, ils le possédaient d’une certaine façon par l’honnêteté et l’enthousiasme qu’ils démontraient dans l’application de leurs techniques. Il y a quelque chose d’essentiel, d’extraordinaire dans l’application et la concentration dont font preuve les nouveaux étudiants.

Être alerte de cette façon permet d’être naturellement présent à ce qui se propose à soi et permet également de faire aisément des liens concrets entre la théorie et la pratique présentées. C’est pourquoi, au début, les progrès sont si rapides. Par la suite, cet enthousiasme pour l’étude et la pratique du shiatsu se transforme et laisse place à un approfondissement graduel, qui aura immanquablement ses hauts et ses bas, ses moments d’emballement et ses moments de questionnement.

Dans ce sens, j’ai observé qu’avec les années de pratique et l’assise de l’expérience, l’assurance de notre « savoir-faire » nous amène fréquemment dans un espace de confort, qui se traduit trop souvent par l’utilisation d’automatismes et d’habitudes qui rendent notre pratique confortable, mais qui lui enlèvent du même coup spontanéité et créativité. Ce comportement machinal est tout le contraire de l’esprit du débutant qui carbure à la fraîcheur et l’exploration.

 « L’esprit du débutant contient beaucoup de possibilités, mais celui de l’expert  en contient peu. »

S.Suzuki

Nous avons tous commencé l’étude du Shiatsu avec l’esprit du débutant! Alors que s’est-il passé par la suite avec cette merveilleuse attitude ? Dès que quelque chose devient familier pour nous, notre « conscience habituelle » tente de prendre le relais en faisant appel à nos souvenirs, nos conditionnements, en répétant ce que nous connaissons déjà. Il est malheureusement très facile, après quelques années de pratique du Shiatsu, de tomber dans un mode d’intervention qui devient confortable, mais répétitif. On répète à peu près les mêmes mouvements, les mêmes techniques, parfois avec quelques variantes, mais sans véritable investissement personnel dans le renouveau de notre mode d’intervention. Cette façon d’intervenir court-circuite en nous l’élan créateur et empêche toute expression de la spontanéité et d’innovation propre à l’esprit du débutant.

Heureusement, chaque fois que nous prenons soin de rester consciemment présents lors de l’application de nos shiatsu, nous reprenons contact avec l’écoute et la présence du débutant. Nous éveillons alors en nous, par cette attitude consciente et bienveillante, une vitalité nouvelle et une qualité d’échange plus féconde avec notre receveur. Nous insufflons ainsi à nos rencontres thérapeutiques une fraîcheur et ouverture renouvelée et renouvelable!

Le « carburant » de cette présence féconde est selon moi l’ouverture consciente à la créativité. La pratique du Shiatsu repose sur une tradition riche en théorie et en méthodes variées. Il est important, je crois, que notre pratique reflète notre respect pour les origines de notre art mais, qu’en même temps, il y est un espace fécond pour l’exploration et la créativité. Cette dernière se veut pour moi le lien entre la tradition et l’expression de mon essence personnelle. Durant l’application du Shiatsu, il existe une multitude de façons d’interpréter et d’intervenir sur les modèles de déséquilibre que nous observons. Se permettre d’explorer de nouvelles façons d’intervenir tout en respectant la philosophie et les pratiques propres au Shiatsu peut être une expérience très enrichissante et même l’libératrice.

téléchargementLorsqu’on s’attarde à apprécier l’aspect de la créativité dans la pratique du shiatsu, il est intéressant de noter que l’énergie du Maitre-Coeur est reliée à l’élément Feu, donc à la joie, l’ouverture, l’enthousiasme et la créativité. Je crois que le fait de se permettre d’être créatif, lors de l’application de nos Shiatsu, permet à notre feu intérieur de se manifester naturellement en augmentant considérablement notre présence et notre plaisir à s’investir dans la rencontre thérapeutique à laquelle nous participons.

Sortir de votre zone de confort pour aller à la rencontre de vos clients dans un élan créateur  vous permettra l’exploration de nouvelles façons de percevoir et d’intervenir auprès d’eux. C’est également cette attitude créatrice qui vous permettra non seulement de retrouver ou de garder une motivation renouvelée à votre pratique, mais qui vous permettra également de recontacter l’esprit de fraîcheur et de curiosité propre à l’esprit du débutant.

Nous explorerons dans le prochain blogue quelques pistes de réflexion pouvant favoriser le contact avec « Shoshin » ou l’esprit du débutant.