Les katas : de la pratique à l’intégration

L’essence du kata n’est pas dans les gestes eux-mêmes, mais dans l’attitude adoptée à leur égard; c’est ce qui le fait bon ou pas. Vous ne devez pas penser : « Ce kata doit être effectué comme ceci ou comme cela. » Au lieu de cela, vous devez former le corps-esprit pour créer, à chaque fois, un seul geste total mobilisant l’ensemble du ki, dans l’instant. Vivez l’esprit du geste, par la formation, le kata doit fusionner avec l’esprit. Plus l’esprit est fort, plus fort devient le kata.

Taisen Deshimaru

Dans un jardin zen, nous sommes invités à suivre un sentier de pierres sinueux (Ishidatami), qui oriente et rythme notre marche afin que l’on y circule aisément tout en appréciant la beauté et la sérénité des lieux. Ce chemin est tracé non pas pour limiter notre expérience, mais pour faciliter notre parcours et nous permettre de porter une plus grande attention à l’environnement et ses particularités. L’étude des katas en shiatsu-do est un peu à l’image de ces sentiers sinueux. Comme tout cheminement, leur apprentissage comporte des étapes bien définies qu’il est préférable de connaître et de respecter.

Au début, l’élève reproduit « simplement » (ce qui ne veut pas dire aisément!) la séquence démontrée par le maître. L’objectif premier est alors d’apprendre les rudiments et les fondements des katas. L’élève s’efforce de bien respirer, d’atteindre une certaine fluidité et aisance dans ses mouvements et de maintenir une bonne stabilité et un bon équilibre dans ses postures, le tout en entretenant un état de présence de tous les instants.

Avec le temps, la pratique et le soutien de son maître, l’élève commence à intégrer les katas, à les comprendre et à les faire siens. Mieux encore, il parvient à marier ses connaissances théoriques aux techniques et manœuvres des katas longuement apprivoisés. Si vous connaissez bien les katas de Masunaga, vous savez sûrement de quoi je parle. Prenons le méridien de la Vessie, par exemple. Le fait d’avoir développé sa dextérité et sa sensibilité lors de la pratique des katas permet au thérapeute d’avoir l’aplomb et le savoir-faire nécessaires pour intervenir adéquatement, que le méridien soit Kyo ou Jitsu.

Lentement mais sûrement, le thérapeute en shiatsu s’approprie les manœuvres des katas et leur enchaînement, en y ajoutant sa touche personnelle. Un appui ou un étirement possède alors la couleur de celui qui l’exécute. L’appui sur une zone Kyo n’a plus rien d’impersonnel : chaque geste devenant l’expression de l’intention et de l’énergie du thérapeute. Cette période de personnalisation est souvent enivrante, car elle annonce le début d’un échange réel avec le corps de nos clients et le nôtre, façonné par les katas. Tout en incarnant l’âme des katas, le thérapeute exprime son essence, son Shen. À ce niveau, il est primordial d’être bien à l’écoute des Kyo/Jitsu afin de moduler le rythme et l’intensité de l’application des katas.

Après plusieurs années d’exploration et de pratique, il arrive que le thérapeute ressente le besoin de « façonner » les katas, de contribuer à leur développement. Cet élan créateur peut se manifester par la personnalisation ou la modification de certaines techniques. L’étude, la compréhension et l’expérience permettront alors d’utiliser certaines manœuvres de façon plus appropriée ou de mettre au point des enchaînements personnels ayant fait leurs preuves. Cette étape est souvent une seconde naissance pour le thérapeute en shiatsu. Pour ma part, chaque étape de ma compréhension et de mon intégration des Katas a été une occasion de solidifier ma confiance dans l’héritage que m’ont légué les maitres que j’ai étudiés et appréciés.

iceberg:KataLe potentiel éducatif des katas est à l’image de l’iceberg. Sous leur aspect visible se laisse deviner un potentiel incroyable de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être. Les clés pour en arriver à cette étape d’intégration sont la détermination et l’amour de l’art. Comme dans toute forme d’art, la maturité exige pratique, patience et longueur de temps! Il n’y a pas de raccourci possible. Dans un monde où tout va vite et où la gratification immédiate est à la mode, l’étude des katas est un peu à contre-courant, je l’avoue. Mais quelle satisfaction de découvrir, à travers leur apprentissage, l’enseignement et le savoir-faire des anciens!

Avez-vous de vieux katas à dépoussiérer?

Reprendre des katas étudiés au moment de votre formation avec l’expérience et les acquis d’aujourd’hui peut s’avérer une expérience extrêmement stimulante et enrichissante. Revoir les mêmes gestes avec un éclairage nouveau est parfois ce dont nous avons besoin pour redonner un élan à notre pratique.

Le saviez-vous?

Non seulement la pratique des katas a un impact sur l’aspect technique de la pratique du shiatsu-do, mais elle a également une influence directe sur l’apprentissage et l’intégration de la théorie (MTC, Zang Fu, etc.). Dans le kata de l’Ampuku, par exemple, on commence le kata par des appuis dans le haut de la poitrine (Po1 et Po2). A priori, commencer l’Ampuku dans cette région peut sembler un peu étrange, mais c’est tout à fait logique!11092969_10205644869013336_1410123412_n

Le méridien du Poumon commence dans le foyer moyen, au niveau de VC12, très précisément. Commencer l’Ampuku par un travail dans les espaces intercostaux du haut de la poitrine favorise l’ouverture et la détente de la région du Cœur et Maitre-Cœur du Hara. Ce travail du haut de la poitrine prépare ainsi l’intervention ultérieure dans le haut du Hara. Il n’est pas indispensable de connaître cette explication théorique pour que notre kata de l’Ampuku soit efficace, bien sûr. Je suis toutefois convaincu que le mariage de la théorie et de la pratique permet d’enrichir notre pratique du shiatsu, en général, et des katas, en particulier.