Je n’ai pas écrit sur ce blogue depuis quelques semaines, en fait, depuis mon retour du stage que j’ai offert en Belgique en juin dernier, presque deux mois déjà! Non pas que le coeur n’y était pas, c’est le temps qui manquait! Plein de projets en route et des formations en Europe, qui demandent pas mal de préparation, mais qui seront une formidable occasion de faire encore plusieurs rencontres nourrissantes et stimulantes pour moi.

À mon retour de stage, j’ai pris un moment pour faire le point sur l’expérience de mon passage plus que «tripatif» au pays du breuvage houblonné et de la frite mayo. Cette réflexion m’a entre autres conduit à revisiter avec agrément ma propre expérience de l’époque où j’étais moi-même le participant enthousiaste à ce type de stage.

Du plus loin que je me rappelle, j’ai toujours aimé participer à des stages en Shiatsu. Et je dois avouer qu’au fil des ans, j’ai très souvent fait passer ma curiosité et ma soif de connaissances avant mes préoccupations matérielles et financières!

En fait, j’ai souvent fait des pieds et des mains, et bien des sacrifices, pour pouvoir nourrir ma passion du Shiatsu auprès de professeurs et enseignants, souvent établis bien loin de chez moi. À l’époque (les années ’80), Internet n’existait pas et les réseaux d’organisation de stage n’étaient pas non plus très développés. Il fallait souvent dénicher la tenue d’un stage par la publication d’une publicité dans une revue spécialisée ou par l’entremise d’une heureuse rencontre, nous informant de la venue prochaine de tel ou tel enseignant renommé. Ces temps sont bien révolus! Quand je regarde aujourd’hui toutes les possibilités de formations qui nous sont offertes et la qualité de l’organisation de celles-ci, j’en suis un peu envieux!

Peu importe ces inconvénients, aujourd’hui je réalise que, pour moi, ces « obstacles relatifs » faisaient partie en quelque sorte de « l’aventure initiatique » de trouver et participer à un stage. On pourrait dire que l’effort exigé pour participer à de tels événements leur donnait plus de valeur et même jusqu’à un certain point, plus de « saveur ».

Mes participations à des stages de perfectionnement ont toujours été, dans mon livre à moi, des moments privilégiés, de précieuses occasions où je pouvais à la fois me ressourcer et sortir du même coup de ma zone de confort. Rétrospectivement, je constate que la participation à ces stages m’a donné, au fil des ans, la chance de rencontrer de nombreux maîtres contemporains du Shiatsu, tels que Sensei Ohashi, Sensei Pauline Sasaki et Sensei Tetsuro Saito.

À l’époque, ces défricheurs inspirés commençaient déjà à développer leur vision distincte de l’héritage de Masunaga. C’était une époque formidable, où l’influence de Masunaga était toujours bien présente, mais où l’on pouvait nettement sentir une volonté propre à chacun de ces pionniers de trouver sa couleur spécifique. Aujourd’hui, je m’en rends bien compte à quel point j’ai eu de la chance de les côtoyer et je suis d’autant plus reconnaissant de leur générosité! Je suis très heureux d’avoir pris le temps et fait les sacrifices personnels et financiers nécessaires afin de m’offrir toutes ces formations et être le témoin privilégié de cette époque !

Se frotter aux grands!

Ceci dit, j’ai un aveu à vous faire… Participer à des stages avec des maîtres possédant un tel savoir-faire était souvent pour moi insécurisant. Leurs connaissances et leur rigueur m’obligeaient souvent à me remettre en question et à réfléchir sur le sens de ma propre pratique. Que ce soit le travail rigoureux des déplacements ou des postures avec Sensei Ohashi ou l’écoute d’un aspect plus subtil des méridiens avec Sensei Pauline Sasaki, je me devais, par respect pour moi-même et pour eux, de sortir de ma zone de confort et d’accueillir les apprentissages proposés.

Heureusement, j’avais pleinement confiance en ces guides expérimentés ayant fait le chemin bien avant moi (Sensei veut d’ailleurs dire « celui ou celle qui est devant nous sur la voie ».

À faire toujours la même chose, on obtient toujours les mêmes résultats, c’est bien connu. Pour ma part, participer à un stage a toujours été une formidable occasion de me remettre en question et de vérifier où j’en étais (c’est d’ailleurs encore le cas aujourd’hui!). Rien ne peut remplacer l’expérience directe, la rencontre avec l’autre et son expérience individuelle, afin de nous ouvrir à d’autres façons de faire et de penser.

Des rencontres qui changent nos perceptions

Le fait de m’éloigner temporairement de mes responsabilités familiales et professionnelles ainsi que de passer du temps avec des personnes qui partagent ma passion pour le Shiatsu favorisaient ma réflexion. Sans parler des possibilités d’échanges significatifs avec les autres participants, qui souvent m’inspiraient et me stimulaient.

D’ailleurs, c’est souvent lors de ces échanges cordiaux et informels que j’en apprenais le plus sur moi et sur ma pratique professionnelle. Comme je me suis donné la possibilité, par l’entremise des stages, d’étudier et de pratiquer le Shiatsu avec des personnes de différents styles, écoles et traditions, j’ai eu accès à des visions et conceptions de la pratique du Shiatsu qui enrichissent, encore aujourd’hui de bien des façons, ma perception et ma pratique du Shiatsu.

Stage avec senseï Pauline Sasaki

Par exemple, je me souviens très bien d’un laboratoire où je devais offrir un Shiatsu d’une vingtaine de minutes à l’une des participantes les plus expérimentées du groupe. Je « m’exécute » et fais de mon mieux, en souhaitant qu’elle apprécie au maximum le Shiatsu que je lui donne.

Viens alors le moment des commentaires, elle s’assoit doucement et me demande sans détour, mais avec beaucoup de bienveillance:

– Mais pourquoi t’as besoin d’en faire autant?

– Pourquoi tu sembles « courir » après quelque chose, au lieu de laisser venir à toi?

Je ne m’attendais pas à ce type de commentaires, mais c’était exactement ce que j’avais besoin d’entendre.

Sur le coup, cette remarque m’avait pas mal brassé ! Mais je dois avouer que ma receveuse avait parfaitement raison! J’ai réalisé par l’entremise de cet échange, qu’à l’époque, j’en faisais souvent trop, probablement par insécurité et que cette attitude n’avait rien de productif, bien au contraire!

La prise de conscience que j’ai faite alors influence encore aujourd’hui ma façon d’approcher chaque rencontre thérapeutique dans laquelle je suis engagé.

Synchronicité intéressante, le lendemain matin lors du même atelier, Senseï Sasaki nous a entretenus sur les vertus d’en faire moins, d’être davantage à l’écoute que dans l’action. Elle nous encourageait à appliquer la notion de « less is more », qui peut se traduire par, « moins, c’est plus ». Je trouvais étonnant que Senseï Sasaki parle de cet aspect de simplification, précisément le lendemain de ma prise de conscience, cette « coïncidence heureuse » arrivait à point et consolidait mon intention de faire les choses plus simplement.

Synchronicité ou heureuses coïncidences?

Cela m’amène à vous parler d’une observation que j’ai faite à quelques reprises lors du déroulement de stages auxquels j’ai participé. C’est la manifestation fréquente de synchronicités, qui se produit souvent juste au bon moment, comme pour permettre l’intégration des principes ou enseignements qui s’avère favorable à notre évolution spécifique du moment.

Combien de fois je me suis présenté en stage, pour entendre le professeur parler spécifiquement d’un sujet ou d’une question qui m’avait préoccupé au cours des semaines précédant le stage. C’est comme si mes questions avaient été transmises au préalable, et de façon mystérieuse, à l’enseignant!

Sans vouloir paraître trop ésotérique, je crois qu’il y a à l’occasion de stage une concentration d’énergies particulières qui unit l’enseignant et les participants et crée un espace de travail commun qui permet ce type d’échanges subtils, mais très vérifiables par l’expérience directe. Ce type d’interactions est très précieux et n’est pas accessible, je crois, dans le cadre de nos activités et apprentissages quotidiens.

De mon cœur à ton cœur : la transmission du savoir de maître à élève

J’ai également remarqué que les apprentissages les plus importants lors des stages ne s’effectuaient nécessairement par l’entremise d’enseignements formels. Par exemple, l’une des grandes leçons que j’ai acquises sur la qualité du toucher s’est produite tout bonnement lors d’une méditation matinale au Zen-Do*. Tous les étudiants du stage étaient invités à faire Zazen**, à 5AM. Malgré l’heure plus que matinale, nous étions donc tous assis, jambes croisées, le dos bien droit, les yeux mi-clos, bien concentrés sur notre posture et notre respiration.

C’est durant l’une de ces méditations matinales que j’ai senti Senseï Sasaki s’approcher doucement de moi par-derrière et corriger délicatement ma posture (elle nous avait demandé la permission d’intervenir de cette façon en début de stage). À ma grande surprise, la délicatesse et la profondeur de son toucher m’avaient profondément touché. J’en avais les larmes aux yeux… je n’avais jamais perçu un toucher d’une aussi grande qualité et justesse.

Le contact avec ce toucher exceptionnel reste encore et toujours une inspiration dans ma quête d’un toucher thérapeutique de qualité. Pour ma part, vivre ne serait-ce qu’un moment de magie comme celui-ci, lors d’une semaine de formation, suffit à justifier le temps et l’argent que j’y aurais consacrés. Ces moments sont rares dans nos vies et leur rareté les rend encore plus précieux. Ce type d’enseignement est, ce que les Japonais nomment « Shin den Shin », c’est-à-dire une transmission, « De mon cœur à ton cœur ». Ce sont des moments qui marquent notre coeur et notre corps, et parfois même notre âme.

Ce qui était le plus significatif pour moi, c’est que l’intervention de Senseï Sasaki consolidait encore davantage l’expérience vécue quelques jours auparavant concernant l’importance d’en faire moins. Le toucher de Senseï Sasaki, dans sa simplicité et sa générosité, exprimait sans mot la totalité de son enseignement. Cet apprentissage aussi inattendu qu’opportun a été un tournant dans ma pratique et par la suite mon enseignement du Shiatsu. On qualifie souvent mon travail de respectueux et bienveillant, ces qualités sont la conséquence de cet échange « Shin den Shin » avec Senseï Sasaki.

Et vous, lors de stage, avez-vous déjà vécu des moments de synchronicité ou des moments qui ont changé votre perception des choses et votre conception du Shiatsu? Avez-vous déjà vécu une expérience de Shin den Shin, c’est-à-dire de transmission « de mon cœur à ton cœur ?

* Dai Bosatsu Zen-Do, centre zen de la région de New York.

** Zazen est la pratique quotidienne du Zen, c’est-à-dire de la méditation assise.

Vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager!